(Personne morale)
Institut d'études juridiques et économiques Robert Poplawski
1946 – 1970
Avant la création de l’Université de Pau (1er janvier 1971)… il était possible d’effectuer des études supérieures à Pau dans le cadre d’instituts dépendants des Facultés de Droit et de Lettres de Bordeaux. Les cours étaient dispensés dans deux belles demeures construites à la fin du XIXe siècle dans les environs immédiats de Pau. La villa Formose, située à proximité des Allées de Morlaas, accueillait les étudiants en Lettres tandis que la villa Lawrance, au croisement du boulevard d’Alsace-Lorraine et de la rue Montpensier, était ouverte aux apprentis juristes.
Inscrite à l’institut d’études juridiques et économiques de Pau d’octobre 1959 à juin 1963, une ancienne étudiante, Denise Bège, témoigne de la vie de cet établissement pendant cette période :
La Villa, propriété d’une descendante de la famille Lawrance, fut acquise le 5 septembre 1940 par la Ville de Pau qui s’engagea à conserver intact le parc de plus de trois hectares, planté d’essences rares, qui entourait la maison.(Propos de Denise Bège, recueillis le 26 janvier 2021.)
Le maire, Pierre Verdenal (06/08/1893-21/11/1977), qui avait signé l’acte, respecta l’engagement pris : le parc fut ouvert au public dès le 22 avril 1941, puis, par délibération du conseil municipal en date du 7 octobre 1946, la villa devint officiellement le siège de l’institut juridique et économique de Pau, antenne de la faculté de droit de Bordeaux.
La Villa, de style « néo-flamand », avait été construite en 1893 pour une riche américaine, Mrs Francis Cooper Lawrance, qui, après avoir vu le parc entourant sa belle demeure paloise – l’actuelle banque de France – amputé pour la construction du boulevard des Pyrénées, avait préféré vendre cette propriété et se réinstaller en dehors de la ville. Cette villa, alors isolée dans la campagne et ce parc entouré de hauts murs aujourd’hui disparus, avait aussi l’avantage de préserver le repos de sa fille, de santé fragile.
La demeure n’était pas très grande, mais les pièces étaient de belle taille et après quelques travaux la Ville les avait transformées en salles de cours et de travaux dirigés très confortables.
La salle de bal qui permettait à la famille Lawrance de recevoir la bonne société paloise, fut transformée en amphithéâtre prêt à accueillir une centaine d’étudiants de première année. La pièce centrale du rez-de-chaussée dont les fenêtres offraient une très belle vue sur le parc et ses magnifiques camélias arborescents, avait probablement été un ancien salon ; elle était devenue la salle de cours des troisième années. Quant au « salon des professeurs » attenant, garni de boiseries, il avait probablement été un fumoir.
À quelle pièce correspondait autrefois le bureau des secrétaires de l’Institut, à gauche en entrant ? Je l’ignore, mais deux soeurs, mesdames Cazendre, régnaient efficacement sur ces lieux et sur l’institut.
Un bel escalier occupait l’espace central de la maison et conduisait au premier étage où se trouvaient plusieurs salles de cours, et une bibliothèque,. Nous plaisantions sur le fait que la petite salle où se déroulaient nos cours de quatrième année, était une ancienne salle de bain. Mais comme nous n’étions plus que quatre étudiants à suivre assidûment les cours, la taille relativement modeste de la pièce ne posait pas le moindre problème !
Au cours des quatre années passées à l’institut juridique de Pau, j’ai pu constater que beaucoup de mes condisciples exerçaient des activités professionnelles et de ce fait ne pouvaient pas assister aux cours. Certains ne venaient à l’Institut que pour participer aux travaux dirigés qui, eux, étaient obligatoires et qui étaient assurés par des professionnels palois (experts comptables, avocats…).
En conséquence, les échanges intellectuels et amicaux qui, dans les grandes universités, constituent le sel de la vie étudiante étaient plutôt rares à Pau.
De plus, comme presque tous les étudiants vivaient chez leurs parents ou logeaient chez des amis de leurs parents, les soirées étaient calmes et les sorties exceptionnelles.
Cependant, en fin d’après-midi, certains d’entre nous se réunissaient dans un local situé rue des Orphelines, pour discuter de quelques graves problèmes concernant la vie estudiantine, par exemple, l’organisation du bal annuel !
Les taux de réussite aux examens confirmaient le fait que les étudiants palois étaient traités avec la même rigueur que les étudiants bordelais : sur les 120 étudiants inscrits en première année de droit en 1959-1960, seulement une vingtaine a pu s’inscrire en deuxième année l’année suivante et seuls quatre ou cinq étudiants de cette promotion ont obtenu leur licence en quatre ans seulement. Toutefois il faut remarquer que dans les années 1960 aucune des règles qui actuellement limitent le nombre des redoublements n’était posée : les étudiants pouvaient prendre leur temps pour se présenter aux examens. À une réserve près, toutefois : les étudiants bénéficiant d’un sursis militaire risquaient, en cas d’échec, d’être envoyés combattre en Algérie.
Les cours étaient assurés par des professeurs de la faculté de droit de Bordeaux qui venaient à Pau, le plus souvent en compagnie d’un collègue et ami intervenant lui aussi à l’Institut, dans le même temps mais dans une autre année d’études. C’était, pour certains d’entre eux, une parenthèse qu’ils disaient agréable, même s’ils devaient assurer alors huit heures de cours de la même matière, réparties en général sur un jour et demi.
Pour les étudiants c’était un rythme plutôt pénible car les polycopiés n’existaient pas et il fallait donc prendre en notes, aussi fidèlement que possible, le cours du professeur. Au bout de quelques heures, il arrivait que, fatigués, nous perdions le fil de son exposé. Mais, comme nous ne formions que de faibles auditoires – au cours de mes années d’études : moins de 100 étudiants présents en première année, probablement une trentaine en deuxième année, une douzaine l’année suivante et quatre en dernière année – les professeurs, attentifs à la moindre de nos réactions, savaient avec bienveillance modifier le rythme de leur discours.
De nombreux avocats, notaires, et autres professionnels du Droit, ainsi que quelques universitaires et même un diplomate, ont reçu à l’institut juridique de Pau leur formation juridique initiale, qu’ils ont ensuite complétée, le plus souvent à Bordeaux ou Paris, par un doctorat.
Source :
Denise Bège-Seurin
Données sur l'histoire de la Villa Lawrance, tirées du livre :
Les rues de Pau des origines à nos jours, dictionnaire historique et biographique, Michel Fabre, Editions des régionalismes.